Mademoiselle Na et la peur de vieillir.

Il faut bien recommencer à vivre.

Eviter de penser aux petits nuages dégueux. Continuer à penser aux petites étoiles.

La mort est un peu partout, tout autour, pas très loin, ça rôde, ça grouille, ça traîne, comme une menace pas claire.

Mes angoisses sont là elles aussi. Et elles adorent ça, grouiller, trainer, rôder.

Quand les angoisses et la mort se rencontrent, ça fait un drôle de bruit dans mon ventre, dans mon estomac, une drôle de boule dans la gorge, une sensation de vertige.

Je n'ai pas peur de mourir. J'ai peur de ne plus vivre. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas qu'ils meurent. Je veux être Don Quichotte, je veux me battre contre les moulins à vent pour les empêcher de tourner. Je ne veux pas que la vie puisse se terminer comme ça.

Je veux vivre, longtemps, qu'ils vivent longtemps, je veux sentir l'odeur de son cou le soir quand je me couche dans mon petit creux, je veux me marier avec lui, devenir sa famille, enfin. Je veux entendre mes chats ronronner, caresser leur douce chaleur, entre les rayons du soleil qui zèbrent leur ventre.

Je veux vivre encore des belles soirées avec mes amis, mes chers amis, mes piliers depuis tant d'années. Je veux boire du rhum avec eux, tester des petits restos, partir en expédition dessin sur les pare-brises en hiver, je veux me déguiser en Gargamel, regarder les photos de nos 16 ans, constater qu'on a changé mais pas tant que ça, écouter des tubes des années 90 et du Beyoncé, passer des après-midis à chercher un boa rose. Je veux aller à l'aéroport le jour où G. va revenir de La Réunion, pour le serrer tellement fort qu'il pourra plus respirer, parce qu'il me manque, que j'en bave sans lui, sans mon ami, mon cher ami, qui m'a dit qu'il m'aimait pour la première fois ce matin par téléphone. Je veux encore passer des soirées avec mon Simon, qui est rentré de Colombie pour quelques semaines, retrouver mon Espagnol d'antan en parlant avec sa compagne de la Nature Humaine et de rap cubain.

Je veux boire des tisanes, du Champagne, faire des cookies aux noix pour les voisins, partir à la chasse aux oeufs avec eux.

Je veux continuer à ne pas réussir à couper le cordon avec ma mère, avec ma soeur.

Ressentir de la joie, de la tristesse, des émotions fortes.

Je veux écouter Piaf, Gainsbourg et Kery James en chantant dans ma voiture. Je veux rire à gorge déployée le samedi matin, sentir mon diaphragme se libérer de toutes les tensions. Mettre de la crème sur mes mains puis en sentir l'odeur. Prendre des bains avec de la mousse.

Je veux vieillir, avec sa main dans la mienne, avec leurs câlins autour de moi, avec tous mes petits poulets pas trop loin. Je veux choper des rides, regarder les photos de nos 30 ans dans 20 ans, me dire qu'on a changé, mais pas tant que ça. Je n'ai plus peur d'avoir 30 ans. J'ai envie de vieillir, parce que finalement, vieillir c'est juste pouvoir passer encore plus de temps avec ceux que j'aime. Ouais, pour la première fois depuis plus d'une décennie, je ressens profondément que je n'ai plus peur de vieillir. Parce que vieillir c'est ne pas mourir. Parce que vieillir c'est un privilège, un luxe, qui est refusé à beaucoup de gens, un peu au hasard, sans que personne ne puisse y faire quoique ce soit.

Je veux fêter mes 30 ans finalement, faire un truc énorme, une grosse teuf.

Je veux continuer à passer des heures sur les blogs de mariage, et me poser cent mille questions sur l'organisation de mon D-Day.

Leur faire des cadeaux pour les remercier, passer du temps avec eux, encore, toujours.

Vivre.

Virer mes angoisses, après tout, je ne contrôle rien.

Voilà, une page vient de se tourner, je n'ai plus peur de vieillir.

Mademoiselle Na.

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[Gaia]

Que tu aies tout ce que tu veux et plus encore. Bisous